ODDH Burkina Faso

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Sécurité


Communiqué de Presse, 20/02/2019

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Le Burkina Faso sous haute tension suite à des massacres ethniques

A Yirgou et dans 17 hameaux environnants, dans le Centre-Nord du Burkina Faso, des massacres ethniques de Peuls ont eu lieu du 1er au 3 janvier 2019. Les auteurs sont connus ; les milices civiles, les Koglwéogo, intégrés dans le dispositif de police de proximité par décret depuis 2016. Aucune arrestation n’a été faite depuis lors. Hormis Amnesty International, aucune ambassade ou organisation internationale n’a demandé une enquête indépendante.

 

Le Burkina Faso dont l’état d’urgence a été décrété dans sept des treize régions du pays, vient de prendre la tête du G5 Sahel, la force conjointe antiterroriste. Depuis 2015, le pays a été frappé par 205 attaques terroristes. Le nombre de victimes du terrorisme s’élève à 572 morts dont 449 civils et 123 militaires. A ces attaques terroristes dont la dernière date du 15 février, le pays peut maintenant s’ajouter un premier massacre ethnique d’envergure.

 

Le 1er janvier, le village de Yirgou, dans la province Sanamatinga, est attaqué par une dizaine de jihadistes. Six civils sont assassinés, tous appartenant à l’ethnie majoritaire au Burkina Faso, les Mossi. Les assaillants s’enfuient. Cette attaque terroriste de Yirgou est suivie d’un nettoyage ethnique de la communauté peule à Yirgou et dans 17 hameaux environnants où pendant trois jours, du 1er au 3 janvier 2019, les milices Koglwéogo commettent des exactions contre la communauté peule sous forme de représailles pour l’assassinat de six hommes Mossi dont le chef du village.

 

Les Koglwéogo apparaissent en janvier 2016, juste après l’élection de Roch Marc Christian Kaboré (MPP). Ces milices civiles comptent aujourd’hui plus de 4 400 groupes représentant environ 110 000 hommes présents sur presque tout le territoire du pays. Officiellement intégrés dans le dispositif de police de proximité par décret ministériel du 22.12.2016, ces « justiciers » échappent souvent au contrôle des autorités.

Selon le gouvernement, 49 Peuls sont assassinés. Ce chiffre est contesté par le Collectif contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC) qui, preuves à l’appui, identifie 210 morts. Même si les deux bilans respectifs du nombre de victimes divergent grandement, tous deux confirment qu’il s’agit uniquement de victimes mâles dont le plus jeune Barry Boureima a tout juste un an et le plus âgé Dicko Hama 90 ans.

 

Aucun membre des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) ne se rend sur les lieux entre le 1er et le 5 janvier 2019, jour où le chef d’Etat visite Yirgou. Le Burkina Faso où la cohésion sociale s’est progressivement fragilisée depuis 2016, vit ce premier nettoyage ethnique sous haute tension. Depuis le 4 janvier, les populations, les OSC et l’opposition réclament vérité et justice face au silence des autorités burkinabè et l’inertie de la communauté internationale. A l’appel du CISC, des milliers de personnes descendent dans la rue à Ouagadougou et à Dori, le 12 janvier. Le 19 janvier, des milliers de personnes ont de nouveau marché à Bobo-Dioulasso.

 

Plus de 6 semaines après ces massacres, le gouvernement n’a pas établi un bilan définitif. Aucune arrestation n’a été faite. Aucune organisation internationale n’a dénoncé les massacres de Yirgou et des 17 autres villages hormis les Nations Unies par son secrétaire général et Amnesty International qui réclame le 9 février 2019 une enquête indépendante et impartiale.

 

Contact : Lookman SAWADOGO – Burkina Faso, Journaliste Editorialiste - Président de L’Observatoire de la démocratie et des droits de l’Homme (ODDH)

lookmannsawad@gmail.com   +226 78 31 78 79

 Tessy WINKELMAN – Pays-Bas, - Newsworld ( English, Français, Deutsch, Español, руссий, Nederlands)

tesswinkelman@gmail.com      +33 (0)6 11 44 28 88


30/09/2020
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Yirgou ou lorsque le vivre-ensemble se retrouve sérieusement ménacé

CIVC Burkina

 

L’après Yirgou  invite à « réaffirmer l’obligation du vivre-ensemble de tous les Burkinabè ». Un vivre-ensemble qui nécessite que l’Etat assume « pleinement ses responsabilités de garant de la sécurité de tous les Burkinabè sans aucune distinction ». 

El Hadj Hassan Barry, personne ressource du regroupement apolitique et laïc, est de canton dans le département de Séguénéga, province du Yatenga, dans la région du nord. Alors âgé de 12 ans en 1960, il se rappelle comme si c’était hier, l’intransigeance du colon, commandant de cercle à la suite de l’envahissement d’un village par un autre. Si ces faits lui reviennent à l’esprit, c’est parce qu’affirme ce patriarche, ce commandant de cercle, après les événements de 1959, « a fait ramasser tous les envahisseurs et les envoyer en prison » pour donner l’exemple.

Depuis lors, indique le patriarche, « dans la région plus jamais quelqu’un n’a jamais envahi quelqu’un ». Malheureusement, déplore-t-il, « depuis le départ du colon, tous les gouvernements qui se sont succédés dans notre pays n’ont pas su gérer le problème communautaire ». En ce sens qu’« il n’y a jamais eu de sanctions ». 

Ce qu’il nuance, un peu par « sauf quelques cas au temps de Lamizana où des assassins ont été fusillés » après avoir délibérément tué.  « D’aucuns pensent que c’est juste rechercher des coupables, les condamner. Non, s’exclame Me Ambroise Farama, représentant le collectif d’avocats contactés par le CISC. (…) Activer rapidement la justice permettra également d’éviter qu’il y ait des volontés de se rendre justice ».

Le porte-parole du CISC, Dr Daouda Diallo, déplore, lui, la culture de défiance de l’autorité de l’Etat avec pour corollaire des populations qui optent de se « rendre justice elles-mêmes » et le cycle de violence et d’intolérance qui gagne du terrain. « Très souvent, décrit-il,  il suffit qu’un membre d’une communauté soit suspecté d’un délit pour que le courroux s’abatte sur toute la communauté. La communauté peule a payé un lourd tribut dans notre pays ».

Ainsi, dans le cas de Yirgou, « sous le prétexte fallacieux qu’ils seraient des terroristes, ou que les peuhls ressembleraient plus aux terroristes », des « représailles d’une violence inouïe ont consisté en une chasse à l’homme et des exécutions sommaires », rapporte le porte-parole du collectif, qui a eu accès à des témoins. Et le médecin de réclamer une prise en charge psychologique en plus de celle alimentaire priorisée pour l’instant par le gouvernement.

« Même les peuhls qui étant membres de ces groupes Koglwéogo ont été tués, égorgés par leurs propres camarades Koglwéogo. N’est-ce pas un nettoyage ethnique ?», s’interroge Daouda Diallo. Pour lui, « les peuhls sont triplement victimes du terrorisme » à l’image de la région du Sahel, « la plus sinistrée par le phénomène » avec des services sociaux de base, centres de santé et administrations publiques fermés ou démantelés et des milliers d’enfants privés d’école et d’avenir.

 

Quand la pluie nous bat et que… !

Le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés dénonce la stigmatisation des membres de la communauté par le raccourci, « peulh égale terroriste » alors qu’« il est établi que la radicalisation touche l’ensemble de nos communautés. Autant, il y a des Dicko radicalisés, autant il y a des Sawadogo, des Sanogo, des Ouédraogo, des Konaté, des Maiga, des Lankoandé … radicalisés ». La conférence de presse a été l’occasion pour les représentants du collectif de dire en chœur que l’extrémisme violent et le terrorisme ne sont pas circonscrits à une communauté spécifique, ni ethnique, ni religieuse.

« Les tragiques événements de Yirgou nous montrent que les terroristes ont enregistré une nouvelle victoire sur notre peuple. Le terrorisme nous tuait et endeuillait. Désormais, il nous pousse à nous entretuer pour se porter en sauveur de ceux d’entre nous qui se sentiraient abandonnés et mal aimés et ainsi fatalement faire basculer notre pays dans les abîmes de la guerre civile. La situation géographique du village de Yirgou, le théâtre du drame, est très propice à l’effet de contagion recherché. Les Burkinabè doivent comprendre donc, que c’est inutile de se battre quand vous êtes déjà battus par la pluie », invite Dr Daouda Diallo.

 

Pour « éviter à notre pays le désastre »

Autant le collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés condamne « l’assassinat barbare du chef de Yirgou et de 5 autres personnes » autant elle le fait pour « l’odieux carnage qui s’en est suivi ». D’où l’ « appel pressant à l’Etat à assumer pleinement ses responsabilités de garant de la sécurité de tous les Burkinabè sans aucune distinction », à « réaffirmer l’obligation du vivre-ensemble de tous les Burkinabè » afin « que plus jamais un Burkinabè ne soit inquiété du fait de sa spécificité culturelle, géographique, ethnique ou confessionnelle ».

Face à la « banalisation de la vie humaine, à la boucherie humaine de Yirgou », le collectif invite « le peuple burkinabè sans distinction ethnique et religieuse » à se mobiliser à travers une marche meeting le samedi 12 janvier pour dénoncer les manœuvres divisionnistes des terroristes et les groupes d’autodéfense Koglweogo.

Estimant que « c’est l’impunité qui est en grande partie responsable du sentiment que la commission des crimes de masse et contre une certaine communauté nationale est normale », le CISC exige, en complément des actions entreprises par le gouvernement, « l’arrestation immédiate et sans délai des Koglweogo criminels » afin qu’ils soient jugés et sanctionnés « à la hauteur de la gravité de leurs crimes ».

Au nom du vivre-ensemble, « parce que la négation de l’autre n’a pas sa place dans une république » le porte-parole du collectif annonce que la pression sera maintenue « jusqu’à ce que justice soit rendue à ces victimes et que ces criminels en divagation soient arrêtés et punis pour donner l’exemple ». Le but ici, décline El Hadj Hassan Barry, est d’« éviter à notre pays le désastre ».

 

Oui Koueta

Burkina24


27/09/2020
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