ODDH Burkina Faso

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Communiqué de Presse, le 30 avril 2019

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Les ONG internationales tirent l’alarme sur la situation interne au Burkina Faso

 

BURKINA FASO : Le pays est confronté, pour la première fois de son histoire, à des massacres ethniques suivis par des déplacements massifs à l’intérieur des frontières du pays; 115 310 personnes selon UNOCHA. Dans un rapport1 publié en 2019, l’Organisation des Nations Unies avec un ensemble d’ONG, notamment Oxfam, NDI et Danish Refugee Center ont tiré la sonnette d’alarme sur la gravité de cette crise. Suite à ce rapport, 14 ONG internationales ont fait part, dans un communiqué conjoint2, de « leurs sérieuses préoccupations concernant l’escalade de la violence intercommunautaire, alimentée notamment par la stigmatisation de certaines communautés avec des conséquences désastreuses sur la situation déjà très difficile.» A ces ONG, Simon Compaoré3, Président du MPP, le parti au pouvoir a répondu : « Si le Burkina est devenu invivable, il faut partir. C’est tout !4 »

 

En 2013, le Washington Post plaçait le Burkina Faso en tête de l’Afrique dans sa carte de tolérance raciale et ethnique dans le monde5. Le pays fut réputé pour sa cohésion sociale et la cohabitation pacifique de plus de 60 ethnies différentes, grâce à l’attention particulière portée à chacune d’entre elles. Cette époque semble désormais révolue. Depuis 2015, la cohésion s’effrite progressivement du fait de la montée du terrorisme, de l’exclusion politique et du ralentissement économique. Les vagues de tueries intercommunautaires depuis janvier 2019, au nord du Burkina font craindre que la déchirure ivoirienne de 2002 résultant de son nationalisme ethnique, guette aujourd’hui le Burkina Faso.

 

Encore applaudi comme un allié incontournable dans la lutte contre le terrorisme par le Secrétaire d’Etat américain, à Washington en août 2014, le Burkina Faso est à son tour devenu victime de la terreur, frappé par plus de 220 attaques de 2015 à ce jour6. Les départs massifs des agents de l’Etat des provinces de l’Oudalan et du Soum fuyants les attaques terroristes dans le nord du pays, ont laissé de vastes territoires à l’abandon et à l’insécurité7. La suspension ou la réduction des services de l’état, – administratifs, sécuritaires, sanitaires et éducatifs (1 135 écoles fermées) – pousse ainsi les populations vers les grandes agglomérations urbaines.

 

L’apparition de milices armées, les Kogléweogo, et leur légalisation par Décret présidentiel du 22 décembre 2016 sur l’ensemble du territoire, ont contribué à exacerber les tensions8. Comptant plus de 4 400 groupes9, ces justiciers de la brousse sèment parfois la terreur comme ce fut le cas lors du massacre à Yirgou. Dans ce village situé dans le Centre-Nord du pays, 49 civils peuls selon le gouvernement, 210 peuls10 selon le Collectif contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC), furent massacrés du 1er au 3 janvier 2019 par les milices d’autodéfense -les Koglwéogo- de la commune de Barsélogho.

 

Ce nettoyage ethnique fut expliqué comme un acte de représailles, à la suite d’une attaque terroriste causant la mort de 6 personnes, toutes appartenant à l’ethnie mossie. A ce jour, aucune arrestation a été faite. Dans le camp de personnes déplacées, à Arbinda, au Centre-Nord du Burkina, plus de 6 000 Peuls de Yirgou, principalement des femmes et des enfants, se sont réfugiées après l’assassinat devant leurs yeux de leurs maris, leurs fils et leurs pères par les milices civiles Koglwéogo11. « Le cas du camp d’Arbinda, où l’accès à l’eau, à la nourriture, au logement et aux soins est particulièrement difficile pour les personnes déplacées, témoigne du risque d’une crise humanitaire d’ampleur si rien n’est fait pour stopper cette violence entre les communautés » ont averti les ONG. « Seules quelques 323 personnes sur plus de 5 000 bénéficient de la distribution de vivres.12»

 

 

Une évaluation de la crise humanitaire résultant des évènements de Yirgou, sous la houlette de CONASUR, l’organisme de secours de l’Etat, et de l’ONU, rapporte que « chaque jour, 1 100 personnes fuient les violences, principalement dans les provinces du Soum et du Sanmatenga. Au Burkina Faso, la survie de ces déplacés est assurée à 80% par l’appui apporté par les familles d’accueil. Leur accès aux soins est difficile et les besoins sont payants pour une population déplacée qui a tout laissé derrière elle.13»

 

Les populations ne fuient pas seulement les attaques terroristes et les violences intercommunautaires. Dans son rapport 2018, intitulé « Le jour, nous avons peur de l’armée, et la nuit des djihadistes », Human Rights Watch (HRW) documente 116 exécutions arbitraires commises par les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) dans la région du Sahel au Burkina Faso14. HRW urge aujourd’hui le gouvernement des Etats-Unis d’appliquer la Loi Leahy15. Des voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer ces exactions présumées des FDS. Le tout premier fut le journaliste Adama Ouédraogo dit Damiss qui malgré les multiples menaces reçues, a diffusé sur les réseaux sociaux des témoignages des exécutions arbitraires commises par les FDS à Bahn et Kain, le 4 février 2019. L’ONG burkinabè des droits de l’Homme, MBDHP, documente 60 exécutions arbitraires commises par les FDS, à Kaïn, à travers des témoignages dans son dernier rapport16.

 

Selon UNOCHA, 115 310 personnes fuient la folie meurtrière à laquelle le pays est aujourd’hui confrontée17. Plus de la moitié d'entre eux ont été déracinés de leurs foyers dans les régions de l'Est, du Centre, du Nord et du Sahel depuis le début 2019. Le 10 avril 2019, 14 ONGs internationales ont exprimé « leur vive inquiétude au regard de l’évolution actuelle du pays », dans un communiqué conjointe2, en appelant « toutes les parties prenantes, notamment l’Etat, à s’investir et à œuvrer en faveur d’un dialogue intercommunautaire afin de rétablir le vivre-ensemble. » Il s’agit de : ACF, Christian Aid, DRC, GVC, HELP, Humanité &Inclusion, LVIA, MDM France, MDM Espagne, Plan International, Save the Children, OXFAM, Terre des Hommes et Welt Hunger Hilfe.

 

En réponse à cette déclaration conjointe, Simon Compaoré (aucun lien parental avec l’ancien chef d’Etat), Président intérim du MPP le parti au pouvoir et ancien ministre de l’Etat et de l’intérieur (2016-2018) déclare « Si le Burkina est devenu invivable, il faut partir. C’est tout !4» 

 

Pour plus d’information, veuillez contacter :

Lookman SAWADOGO ––  Burkina Faso –– Président de ODDH –Journaliste – Activiste Droits de l’Homme – Directeur du journal burkinabè Le Soir

lookmannsawad@gmail.com    +226 78 31 78 79

et

Tessy WINKELMAN –– Pays-Bas –– Newsworld (English, Français, Deutsch, Español, Nederlands)

tesswinkelman@gmail.com      +33 6 11 44 28 88

 

Sources:

(1)https://www.humanitarianresponse.info/en/operations/burkina-faso/document/mission-d%E2%80%99%C3%A9valuation-conjointe-sur-l%E2%80%99assistance-humanitaire-d    (2) http://french.xinhuanet.com/2019-04/11/c_137967402.htm    http://www.helpbf.org/ (3) Aucun lien parental avec l’ancien chef d’Etat Blaise Compaoré. Simon Compaoré fut Ministre d’Etat, Ministre de la Sécurité (2016-2018), Ministre d’Etat auprès de la Présidence, sep 2018 - jan 2019 (4) https://www.youtube.com/watch?v=gOD30qU9s6M https://netafrique.net/si-le-burkina-est-devenu-invivable-il-faut-partir-cest-tout-les-propos-de-simon-compaore-envers-les-ongs-juges-irresponsables-par-lopposition/ (5) https://www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2013/05/16/a-revealing-map-of-the-worlds-most-and-least-ethnically-diverse-countries/     https://www.blaisecompaore.com/en/social-peace-and-religious-tolerance/   (6) Bilan des actes terroristes au Burkina Faso du 04 avril au 22 mars 2019 ci-joint - http://www.defense.gov.bf,  (7) idem source 1 (8) https://medium.com/@Sahel2R3S/les-kogl-w%C3%A9ogo-du-burkina-faso-373132c5f2ef (9) http://africansecuritynetwork.org/assn/wp-content/uploads/2016/12/Les-groupes-dauto-d%C3%A9fense-Kogl-Weogo-au-Burkina-Faso-1.pdf (10) Annexe II, Liste des 210 peuls tués par violence intercommunautaire, https://www.voaafrique.com/a/au-moins-210-morts-lors-du-massacre-du-1er-janvier-selon-un-collectif/4771648.html (11) idem source 1 (12) idem (13) idem (14)   https://www.hrw.org/news/2018/05/21/burkina-faso-killings-abuse-sahel-conflict   https://www.reuters.com/article/us-burkina-security/rights-group-accuses-burkina-army-of-executions-following-anti-militant-operations-idUSKCN1PV1K1 (15) Les Lois Leahy interdisent au département d’État et au département de la Défense des États-Unis d’apporter une assistance militaire aux unités des forces de sécurité étrangères qui violent les droits de l’homme en toute impunité. (16) https://www.bbc.com/afrique/region-47575954,

http://radiotankonnon.over-blog.com/2019/03/rapport-du-mbdhp-sur-les-executions-de-kain-le-gouvernement-prend-acte-des-allegations.html http://www.mbdhp.org/ (17) https://www.unocha.org/story/burkina-faso-violence-triggers-unprecedented-spike-displacement

 

Télécharger ce communique de presse ici



30/09/2020
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